14 juin 2009

Le Syndrome de Diogène

Le syndrome de Diogène

Eloge des vieillesses
Régine Detambel, Actes Sud, 2007

Dans et ouvrage, Régine Detambel, nous interroge sur notre rapport à la vieillesse, à l’image du corps sénescent et nous invite à revisiter les œuvres de grands artistes conçues dans leur grand âge. De magnifiques pages, sensibles… un autre regard sur l’être, qui malgré, et avec, les atteintes de l’âge, continue à créer, interroger, clamer, ou susurrer ses forces vives…

Quelques extraits :

pp.211 :

” Christian Bobin, devant celui dont la tête semble faite désormais d’une autre matière que le corps, et qui le regarde sans mot dire, contemplant ses mains comme deux étuis vides : “La maladie d’Alzheimer enlève ce que l’éducation a mis dans la personne et fait remonter le cœur en surface. C’est par les yeux qu’ils disent les choses et ce que j’y lis m’éclaire mieux que les livres… Je ramène de la maison de long séjour un besoin de toucher, ne serait-ce que furtivement, l’épaule de ceux que je rencontre et une méfiance accrue des beaux discours.”

pp.219 :

” Même chez la personne âgée atteinte d’une démence sénile, il y a d’ultimes créations de l’esprit. Ce qu’on ignorait, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, c’est qu’on peut effectuer avec les vieillards malades un véritable travail de réanimation mentale. Du bouche-à-bouche sur leur bouche d’ombre. Tant que la vie subsiste, le désir est présent. L’attirance est toujours en nous, se créant des chimères pour tempérer l’appel du néant. Selon le génie inventif de chacun, le désir se jette à la recherche de nouvelles voies de satisfaction. Et même le handicap mental n’empêche jamais la curiosité de trouver de nouveaux moyens pour jouir de la vie.”

pp.123-124 :

LE NOM, LE JOUR
[...]
Le nom fore la traversée des âges.
Dans l’esprit de Walter Benjamin, le nom propre est le verbe de Dieu sous des sons humains. Seules l’entente du nom propre et la réponse à l’appel – toujours venu de l’autre – ramènent à la vie, quand la solitude, désespérée ou fière, resserre son emprise. C’est la grâce de s’entendre appeler qui rend l’espérance. L’appel est le plus haut partage.
Ne pas subsumer les patronymes sous le concept de “vieux”, mais épanouir en chacun, à travers les syllabes de son nom, une personne singulière. Je t’ai appelé par ton nom, je vais te libérer.
Conserver aux vieillards les voyelles de leur prénom et fêter leur anniversaire. Parvenir à ne jamais dire :
“Il a bien dormi, le papi, cette nuit ?”
Car dans ce visage pas encore rasé, il y a toujours quelqu’un, quelqu’un qui regarde vers nous, et voit, lui aussi, notre visage changer. A chacun, il faut offrir son nom de naissance, c’est-à-dire le mémorial de sa transformation, le prénom qui a pour vocation de lui rappeler sans cesse qu’il a à naître et renaître infiniment, avec obstination, qu’il existe, qu’il est homme qui vient, toujours en arrivance, jamais arrivé, qu’il n’est pas un objet de toilette, mais qu’il advient dans le monde à chaque instant de chaque matin.
“Dis-toi que nous n’en finissons pas de naître, mais que les morts, eux, ont fini de mourir”, écrit Louis-René des Forêts.
Un nom et un prénom, pour que jamais la voix de l’enfant en lui ne se taise.

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